Grande pompe
C’est exactement pour ce genre de filles que je continues à fréquenter les mariages.
À la base, rien ne me forçait à honorer celui-ci, si ce n’est le fond vulgaire de la mariée et la présence supputée de copines à elle du même acabit.
Celle-ci occupait un rôle somme toute assez classique dans toutes noces, la copine trentenaire célibataire et dépressive qui se force à paraître heureuse pour la mariée mais qui enrage intérieurement d’être l’une des seules à ne pas être venue accompagnée.
Elle n’a même pas cherché à sauter pour récupérer le bouquet dont s’est emparée une autre gourde qui se mariera normalement l’été prochain avec l’un des copains du marié. Elle a juste sorti une tenue volontairement provocante au cas où ce qu’elle a lu dans la presse féminine s’avérait exact, comme quoi bon nombre de rencontres se joueraient lors d’évènements de ce type.
Je l’ai tout de suite repérée. La fille isolée qu’on ne sait comment disposer dans le plan de table et qui fout la merde niveau organisation. En général, on évite de la placer aux tables des familles ni à celle des mariés pour qui elle n’aurait de toute façon pas fait une bonne témoin. On la retrouve systématiquement dans un coin de la salle, à la table fourre-tout des amis éloignés ou chiants, entre celle des vieux et celle des gosses.
Ce qui m’a interpellé chez elle, c’est ce paradoxe de profond malaise enrobé dans une enveloppe putassière. Tout en elle suintait la pauvre fille désespérée qui s’en remettait aux derniers artifices outranciers pour tenter d’exciter du petit neveu toujours puceau au vieil oncle fraîchement divorcé. C’est finalement l’un des cousins de la mariée qui est tombé dans le panneau, lui qui pourtant au départ ne préfigurait dans aucune des niches ciblées.
J’ai tout de suite aimé sa façon polie de répondre à ses voisins de tables qu’en temps normal elle aurait fui comme la peste, tout en esquissant un regard perdu entre les mariés, le mauvais DJ et son portable qui ne sonnera désespérément pas de la soirée. C’est même ce que j’ai préféré, bien avant sa nuisette noire échancrée jusqu’aux ovaires et ses platform-shoes de pute à talons métal laissant deviner une French-pédicure parfaite.
J’ai encore plus apprécié sa manière de rembarrer les potes relous du marié qui ne voyaient en elle qu’une salope de mariage. Et je ne dis pas ça pour avoir croisé son regard oblique au moment de l’ouverture du bal sur l’air des Dix commandements. Moi qui avais prévu de m’éclipser juste après les premières notes du Oh happy day lançant le découpage de la pièce montée, j’ai décidé de rester, quitte à me griller sous les sunlights des tropiques, juste pour voir si l’amour se raconte en musique. Aucune connaissance en vue hormis la famille au complet, j’ai laissé ma honte au vestiaire et, sous couvert d’être bourré, je me suis empalé toute la série qui va bien, de Cloclo aux Musclés, en passant par I will Survive et un mauvais remix des White Stripes, jamais très loin d’elle qui dansait comme moi, un peu machinalement pour que cette nuit passe encore plus vite.
Je sentais bien qu’elle ne cherchait pas à m’éviter. Que craindre de la part du cousin de la mariée, maqué jusqu’aux dents avec une putafrange et dont les gosses doivent sûrement bricoler dans un coin, livrés à eux-mêmes et occupés avec leurs petites cousines à découvrir comment on fait des baisers de cinéma.
Elle sentait bien que je ne cherchais pas à l’éviter. Que craindre de la part d’une pauvre fille esseulée qui vit avec son chat, qui carbure aux Lexomil et aux cours de Salsa et qui maudit ses sales pompes de pouffiasse achetées pour l’occasion chez Dream’s, justes bonnes à lui faire un mal de chien à défaut de se trouver un mec.
Elle ne devait sûrement pas se douter qu’en fait, j’appréhendais la série de slows qui auraient fait vibrer mon portable en continu dans la poche de mon pantalon de costard Agnès B.
Je ne devais sûrement pas me douter qu’en fait, elle suppliait intérieurement le DJ de stopper net sa série années 80 à la con pour balancer un bon vieux quart d’heure américain qui n’en finirait plus de finir.
Je m’imaginais refaire ma vie avec elle, lui faire retrouver le goût de sourire et de se lever le matin, lui faire arrêter les cours de Salsa et se débarrasser de son chat, lui réapprendre à apprécier les mariages, lui faire amortir ses chaussures de salope dans des boîtes à partouzes où elle n’aurait même pas à faire la causette avec ses voisins de table. Peut-être même lui faire des enfants si l’envie lui prenait un jour.
Elle s’imaginait continuer sa vie avec moi, servir de maîtresse occasionnelle pendant quelque temps, exciter l’homme marié pré-quadra lors de rencontres furtives où il n’aurait même pas pris le temps de lui arracher sa nuisette et lui retirer ses talons. Peut-être même qu’un jour, il aurait quitté sa femme pour elle.
Le quart d’heure américain n’est jamais arrivé. Les mariés ont préféré donner la consigne au DJ d’enchaîner les plus grands succès de Gilbert Montagné avec les cinquante plus grosses daubes de Dance de ces dernières années répertoriées par Radio FG.
Ou alors il est arrivé bien trop tard, en fin de nuit, à une heure où mon portable somnolait tranquillement sur mon bureau, relié à son chargeur de batterie et où les platform à talons métal garnissait le sac poubelle en plastique de ce petit studio, recouverts par une conserve de pâté pour chat et par une boîte de Lexomil vide.
La fille s’appelait Elodie je crois. Personne n’en était vraiment sûr.
À la base, rien ne me forçait à honorer celui-ci, si ce n’est le fond vulgaire de la mariée et la présence supputée de copines à elle du même acabit.
Celle-ci occupait un rôle somme toute assez classique dans toutes noces, la copine trentenaire célibataire et dépressive qui se force à paraître heureuse pour la mariée mais qui enrage intérieurement d’être l’une des seules à ne pas être venue accompagnée.
Elle n’a même pas cherché à sauter pour récupérer le bouquet dont s’est emparée une autre gourde qui se mariera normalement l’été prochain avec l’un des copains du marié. Elle a juste sorti une tenue volontairement provocante au cas où ce qu’elle a lu dans la presse féminine s’avérait exact, comme quoi bon nombre de rencontres se joueraient lors d’évènements de ce type.
Je l’ai tout de suite repérée. La fille isolée qu’on ne sait comment disposer dans le plan de table et qui fout la merde niveau organisation. En général, on évite de la placer aux tables des familles ni à celle des mariés pour qui elle n’aurait de toute façon pas fait une bonne témoin. On la retrouve systématiquement dans un coin de la salle, à la table fourre-tout des amis éloignés ou chiants, entre celle des vieux et celle des gosses.
Ce qui m’a interpellé chez elle, c’est ce paradoxe de profond malaise enrobé dans une enveloppe putassière. Tout en elle suintait la pauvre fille désespérée qui s’en remettait aux derniers artifices outranciers pour tenter d’exciter du petit neveu toujours puceau au vieil oncle fraîchement divorcé. C’est finalement l’un des cousins de la mariée qui est tombé dans le panneau, lui qui pourtant au départ ne préfigurait dans aucune des niches ciblées.
J’ai tout de suite aimé sa façon polie de répondre à ses voisins de tables qu’en temps normal elle aurait fui comme la peste, tout en esquissant un regard perdu entre les mariés, le mauvais DJ et son portable qui ne sonnera désespérément pas de la soirée. C’est même ce que j’ai préféré, bien avant sa nuisette noire échancrée jusqu’aux ovaires et ses platform-shoes de pute à talons métal laissant deviner une French-pédicure parfaite.
J’ai encore plus apprécié sa manière de rembarrer les potes relous du marié qui ne voyaient en elle qu’une salope de mariage. Et je ne dis pas ça pour avoir croisé son regard oblique au moment de l’ouverture du bal sur l’air des Dix commandements. Moi qui avais prévu de m’éclipser juste après les premières notes du Oh happy day lançant le découpage de la pièce montée, j’ai décidé de rester, quitte à me griller sous les sunlights des tropiques, juste pour voir si l’amour se raconte en musique. Aucune connaissance en vue hormis la famille au complet, j’ai laissé ma honte au vestiaire et, sous couvert d’être bourré, je me suis empalé toute la série qui va bien, de Cloclo aux Musclés, en passant par I will Survive et un mauvais remix des White Stripes, jamais très loin d’elle qui dansait comme moi, un peu machinalement pour que cette nuit passe encore plus vite.
Je sentais bien qu’elle ne cherchait pas à m’éviter. Que craindre de la part du cousin de la mariée, maqué jusqu’aux dents avec une putafrange et dont les gosses doivent sûrement bricoler dans un coin, livrés à eux-mêmes et occupés avec leurs petites cousines à découvrir comment on fait des baisers de cinéma.
Elle sentait bien que je ne cherchais pas à l’éviter. Que craindre de la part d’une pauvre fille esseulée qui vit avec son chat, qui carbure aux Lexomil et aux cours de Salsa et qui maudit ses sales pompes de pouffiasse achetées pour l’occasion chez Dream’s, justes bonnes à lui faire un mal de chien à défaut de se trouver un mec.
Elle ne devait sûrement pas se douter qu’en fait, j’appréhendais la série de slows qui auraient fait vibrer mon portable en continu dans la poche de mon pantalon de costard Agnès B.
Je ne devais sûrement pas me douter qu’en fait, elle suppliait intérieurement le DJ de stopper net sa série années 80 à la con pour balancer un bon vieux quart d’heure américain qui n’en finirait plus de finir.
Je m’imaginais refaire ma vie avec elle, lui faire retrouver le goût de sourire et de se lever le matin, lui faire arrêter les cours de Salsa et se débarrasser de son chat, lui réapprendre à apprécier les mariages, lui faire amortir ses chaussures de salope dans des boîtes à partouzes où elle n’aurait même pas à faire la causette avec ses voisins de table. Peut-être même lui faire des enfants si l’envie lui prenait un jour.
Elle s’imaginait continuer sa vie avec moi, servir de maîtresse occasionnelle pendant quelque temps, exciter l’homme marié pré-quadra lors de rencontres furtives où il n’aurait même pas pris le temps de lui arracher sa nuisette et lui retirer ses talons. Peut-être même qu’un jour, il aurait quitté sa femme pour elle.
Le quart d’heure américain n’est jamais arrivé. Les mariés ont préféré donner la consigne au DJ d’enchaîner les plus grands succès de Gilbert Montagné avec les cinquante plus grosses daubes de Dance de ces dernières années répertoriées par Radio FG.
Ou alors il est arrivé bien trop tard, en fin de nuit, à une heure où mon portable somnolait tranquillement sur mon bureau, relié à son chargeur de batterie et où les platform à talons métal garnissait le sac poubelle en plastique de ce petit studio, recouverts par une conserve de pâté pour chat et par une boîte de Lexomil vide.
La fille s’appelait Elodie je crois. Personne n’en était vraiment sûr.