Fondation
La Fondation Maeght est presque déserte. Seuls quelques couples de touristes branchés arpentent déjà les jardins de sculptures en petites tenues de lin clair décontractées. À l’intérieur, je me laisse aller à divaguer entre le «Jardins sombres-grand noir» d’Olivier Debré et le «Vide des choses extérieures et intérieures» de Jean Degottex. Mes pupilles s’acclimatent peu à peu à ces grands espaces ténébreux et je me laisse volontiers aspirer sans aucune résistance dans des océans de réflexions sur le rôle salvateur de l’art contemporain dans l’aboutissement de la plénitude spirituelle. Observer religieusement les stries vinyliques d’un Soulages est presque aussi jouissif que d’écouter des boucles hypnotiques de Ritchie Hawtin.
Visiblement, mes camarades n’ont pas l’air de partager les mêmes sentiments. O et Isa compulsent fébrilement les cartes postales et les posters à la boutique du musée, alors qu’Yvan sirote un Nespresso au bar en passant des coups de fil à Paris. What else ?
À l’extérieur, les grands murs blancs immaculés aveuglent ma rétine encore sensibilisée par les limbes sépulcrales de ces sombres géants de toile.
Dans les jardins attenants, des Japonaises se prennent en photo devant des sculptures de Miro en prenant des poses niaises. Un jeune couple s’enlace tendrement sous un mobile de Calder. Des gamins s’amusent à escalader des bronzes de Giacometti. Deux gardiens s’occupent à comparer leurs derniers téléphones portables. Une bimbo, sûrement une Italienne, prend le soleil le visage relevé et les yeux fermés. Deux pédés prennent des photos de l’édifice en contre-plongée avec un vieux Leica argentique, probablement en noir et blanc.
Je suis posté là comme un con à scruter les pinèdes environnantes et les collines de La Colle sur Loup, parcouru de frissons nostalgiques en essayant d’imaginer cet été 70 où l’on pouvait venir assister aux concerts nocturnes de Sun Ra et Albert Ayler.
De lointains échos de Free-Jazz remontent de la vallée et se réverbèrent contre la façade de béton brut en faisant swinguer au passage les mobiles métalliques jaunes, bleus et rouges.
- On se barre ? me lance Yvan d’un air exténué, traînant dans son sillage nos deux compagnes rassasiées.
- Comme tu veux.
Sur le trajet vers l’aéroport, je glisse le seul CD de Jazz qui se trouve dans la boîte à gants. Miles entame son Bitches Brew alors qu’Yvan y va de ses dernières recommandations.
- Tu ferais mieux de traîner un peu moins sur cette plage et d’essayer de nous pondre de nouveaux morceaux à la place. Et puis arrête de raconter ta vie dans ce blog, ça n’intéresse personne. Il manquerait plus que tu y parles de nous en plus, ce serait le pompon!
Je monte le volume au moment où Miles démarre un long solo saturé de reverb et de delay. Lorsque nous arrivons au Kiss and Fly, le solo est encore loin d’être terminé.
En repartant, j’ai presque envie de m’arrêter au centre commercial Cap 3000 pour m’acheter un pantacourt et des sandalettes, puis me laisser mourir doucement.
Arrivé à la maison, je vérifie qu’aucun string d’Isa n’obstrue le skimmer, en espérant secrètement que si. Je rentre dans leur chambre et m’aperçois qu’ils sont partis sans même remarquer la trappe planquée sous la descente de lit. Je n’aurais pas eu l’occasion de leur raconter la fin de l’histoire. Pas cette fois-ci.
Visiblement, mes camarades n’ont pas l’air de partager les mêmes sentiments. O et Isa compulsent fébrilement les cartes postales et les posters à la boutique du musée, alors qu’Yvan sirote un Nespresso au bar en passant des coups de fil à Paris. What else ?
À l’extérieur, les grands murs blancs immaculés aveuglent ma rétine encore sensibilisée par les limbes sépulcrales de ces sombres géants de toile.
Dans les jardins attenants, des Japonaises se prennent en photo devant des sculptures de Miro en prenant des poses niaises. Un jeune couple s’enlace tendrement sous un mobile de Calder. Des gamins s’amusent à escalader des bronzes de Giacometti. Deux gardiens s’occupent à comparer leurs derniers téléphones portables. Une bimbo, sûrement une Italienne, prend le soleil le visage relevé et les yeux fermés. Deux pédés prennent des photos de l’édifice en contre-plongée avec un vieux Leica argentique, probablement en noir et blanc.
Je suis posté là comme un con à scruter les pinèdes environnantes et les collines de La Colle sur Loup, parcouru de frissons nostalgiques en essayant d’imaginer cet été 70 où l’on pouvait venir assister aux concerts nocturnes de Sun Ra et Albert Ayler.
De lointains échos de Free-Jazz remontent de la vallée et se réverbèrent contre la façade de béton brut en faisant swinguer au passage les mobiles métalliques jaunes, bleus et rouges.
- On se barre ? me lance Yvan d’un air exténué, traînant dans son sillage nos deux compagnes rassasiées.
- Comme tu veux.
Sur le trajet vers l’aéroport, je glisse le seul CD de Jazz qui se trouve dans la boîte à gants. Miles entame son Bitches Brew alors qu’Yvan y va de ses dernières recommandations.
- Tu ferais mieux de traîner un peu moins sur cette plage et d’essayer de nous pondre de nouveaux morceaux à la place. Et puis arrête de raconter ta vie dans ce blog, ça n’intéresse personne. Il manquerait plus que tu y parles de nous en plus, ce serait le pompon!
Je monte le volume au moment où Miles démarre un long solo saturé de reverb et de delay. Lorsque nous arrivons au Kiss and Fly, le solo est encore loin d’être terminé.
En repartant, j’ai presque envie de m’arrêter au centre commercial Cap 3000 pour m’acheter un pantacourt et des sandalettes, puis me laisser mourir doucement.
Arrivé à la maison, je vérifie qu’aucun string d’Isa n’obstrue le skimmer, en espérant secrètement que si. Je rentre dans leur chambre et m’aperçois qu’ils sont partis sans même remarquer la trappe planquée sous la descente de lit. Je n’aurais pas eu l’occasion de leur raconter la fin de l’histoire. Pas cette fois-ci.