2+2=1
ACTE VII: Libertinage et jalousie
Je voudrais ici apporter mon éclairage personnel sur une question qui revient assez souvent dans les commentaires de ce blog ainsi que dans ceux de blogs voisins :
«Comment font les libertins pour éviter le piège de la jalousie?»
Visiblement, vue la redondance de ces interrogations, j’en déduis qu’il s’agit d’un vrai sujet de fond qui a l’air d’interpeller pas mal de «non-libertins» ou «futurs-libertins».
En me mettant quelques secondes dans la peau d’une de ces personnes, force est de constater qu’on a évidemment affaire au cœur du problème et qu’il peut y avoir blocage dès l’instant où l’on essaie de mettre sur le même plan ces deux concepts antinomiques : liberté sexuelle absolue d’un côté et amour, sentiments et fidélité affective de l’autre.
Bref, pour le «grand public», le libertinage, et en particulier l’échangisme, est une aberration amorale et l’on ne peut pas imaginer l’adultère, même consentant, sans son pendant obligatoire : la jalousie.
Comment un couple peut-il être attiré vers un autre couple ou vers d’ autres couples ou même vers des célibataires, sans être à aucun moment affecté de doutes et sans mettre une seule fois en question la confiance que les deux conjoints s’accordent entre eux?
Je peux très aisément comprendre que cela puisse déstabiliser le plus grand nombre et que ces pratiques puissent être contraire aux principes judéo-chrétiens gouvernant notre société occidentale et puritaine.
Maintenant, je me replace du côté de la "minorité marginale" et je vais essayer de défendre le principe même de partage qui est la base de toute relation libertine.
Déjà, pour commencer, le premier des dix commandements de l’échangiste est d’oublier toute notion de jalousie et de laisser ce sentiment au vestiaire avant d’entreprendre quoi que ce soit.
En effet, il y a incompatibilité totale entre échange de partenaire et notion de propriété.
Le libertin est par définition généreux et épicurien, il aime communier avec emphase avec ses pairs et proclamer son amour pour la vie sans rien calculer ni préméditer.
Il ne s’arrête donc pas à des concepts matérialistes comme la cellule maritale ou la fidélité cloisonnée, il voit plus large et projette ses fantasmes à grande échelle sans se fixer ni limites ni restrictions.
En général, le couple de libertins est sur la même longueur d’ondes et oublie toute idée d’individualité.
L’unité du libertinage est le couple et non pas l’individu.
Le couple forme une seule et même entité indivisible.
Du coup, il faut imaginer une nouvelle donne des rapports amoureux.
Les relations de couple se passent désormais à quatre, entre couple de couples.
Tout passe dans une nouvelle dimension, on conçoit tout au carré à présent.
Vous comprendrez bien qu’en raisonnant de la sorte, les deux individus formant l’unité-couple, se fondent tellement bien qu’ils deviennent complices de leurs faits et que l’esprit ludique qui les anime dès le départ de leur contrat gomme complètement tout ersatz de jalousie.
Nous sommes à présent dans une conception fusionnelle du couple, celui-ci devenant un corps hybride agité des mêmes pulsions et dont les deux esprits sont totalement en phase, partageant la même recherche de liberté et d’épanouissement.
Le couple libertin n’est pas simplement un couple mari/femme, c’est également un couple confident/confidente, un couple amant/maîtresse, un couple frère/sœur, un couple de jumeaux, un couple de siamois.
La notion matérielle de mariage est presque superflue, la complicité magique qui s’opère entre eux est de l’ordre de la génétique, ils semblent partager le même patrimoine génique et par la même deviennent un seul et unique individu.
D’autre part, toute relation libertine est basée sur le jeu.
Les libertins gardent cet esprit puéril et ne se prennent jamais au sérieux, sauf les faux, ceux que j’appelle «les libertins du samedi soir», qui sont dépourvus de second degré et qui conçoivent le libertinage comme une affaire d’état.
Non, les vrais ont su conserver la tradition libertine qui se perpétue depuis la nuit des temps en traversant toutes les époques, basée sur le ludique, l’imaginaire,les jeux de rôles, la mise en scène, le décorum et tout ce qui peut tourner autour de l’acte sexuel, sans forcément le réaliser.
En effet, on peut très bien se proclamer libertin dans l’âme sans jamais avoir pratiqué d’acte échangiste.
Celui-ci n’est pas une fin en soi, ce n’est qu’un aboutissement qui peut clôturer toute cette série de préliminaires, mais rien n’empêche de s’arrêter en route.
Est plus libertin un couple de «novices» qui se projette des fantasmagories dans l’ombre qu’un couple de «hardeurs» qui va chasser la chair fraîche en club le samedi soir.
Tout cela pour conclure qu’un couple soudé, libéré, débarrassé de tout tabou et guidé par une force motrice tournée vers le plaisir et l’amusement, ne peut pas être concerné par des notions aussi obtuses que la propriété, la fidélité et la jalousie.
Tous les clichés véhiculés sur le couple restent le plus souvent étrangers aux libertins :
Scènes de ménage, manque de confiance, doutes, soupçons, indifférence, adultère, séparations, divorces…
Pourquoi un couple de libertins irait pratiquer l’adultère sournois et mesquin alors que l’échange et le partage est la base même de leur contrat?
Pratiquer ces «extras» serait non conforme aux principes initiaux représentant l’essence du libertinage, la confiance aveugle, la complicité et l’épanouissement dans l’abandon total de l’esprit aux dépens du charnel.
L’adultère «classique» résulte le plus souvent d’une frustration sexuelle ou psychologique.
On va voir ailleurs pour pallier le manque sidéral qui étouffe son couple.
Chez les libertins, on n’a pas besoin d’aller papillonner en solo à l’extérieur, on préfère le faire à deux, dans un commun accord, en tout consentement et sans ambiguïté.
Et si certains aiment «chasser» individuellement loin de leurs terres, c’est également dans le cadre d’un de ces jeux, en prenant bien soin de tenir l’autre au courant et en lui relatant tous ses faits et gestes.
Le meilleur exemple en est l’éternel récit des «Liaisons dangereuses» que l’on peut translater à l’infini à travers toutes les époques.
Le fin mot de cette histoire est l’abandon.
Abandon total de tout principe et de toute moralité au profit de la jouissance.
Le libertin fait abstraction de tout matérialisme et se fond dans un grand tout charnel, oubliant toute notion d’appartenance en s’offrant, en se sacrifiant sans compter à son prochain.
L’individu se dilue dans le commun et le couple se réinvente à chaque instant, fier de se retrouver après chaque escapade, retombant toujours sur ses bases avec un amour complice sans cesse décuplé.
Le libertinage est une formidable machine à aimer, un engrenage de passions, un catalyseur inépuisable de fantasmes et un véritable ciment indestructible.
Alors que dans un couple «classique», la libido décroît progressivement jusqu’à l’indifférence et la routine, dans un couple libertin, elle prend la pente inverse et ne cesse de grimper jusqu’à des sommets a priori infranchissables.
Je ne vois que la mort pour freiner cette ascension, mais en tout cas, pas la jalousie…